La lettre du moment, par Michel Mourtérot
La lettre du moment
Madame, Mademoiselle, Monsieur,
Initialement, nous avions prévu la création de notre spectacle XXV, Turcaret ou le Financier de Lesage, du 8 mai au 5 juillet 2020. Confinement oblige, elle fut repoussée au 25 juillet. Pour cinq représentations seulement, mais c’était déjà ça de pris ! Nous filions ensuite à Louvie-Juzon, notre village aimé des Pyrénées. Là-bas, dans les Jardins de la Grange, nous donnions le spectacle du 21 au 30 août ; nous le jouions aussi dans la cour du château de Crémault, à Bonneuil-Matours, un rendez-vous estival devenu important. On était au tout début du mois de septembre. Quinze représentations au total ! Quinze soirs ou après-midi de joie !
Certes, aussi bien à Pantin qu’en province, nous nous produisions dans des conditions sanitaires coercitives, mais nous jouions, nous travaillions ! Nous partagions avec le Public nombreux et enthousiaste, le plus souvent de très fidèles spectateurs, de jolis rassemblements populaires, comme nous les aimons. En ces temps de disette, nous sommes probablement parmi les comédiens les plus nourris de France. Oui, malgré les méandres provoqués par le virus tout au long de l’année, nous avons non seulement pu bâtir notre spectacle, mais aussi et surtout le garder vivant ; nous avons pu JOUER ! Nous avons, de quelques gouttes au moins, transpiré le théâtre. A quand maintenant nos prochains levers de rideau ? Dans quelles conditions ? Où ? Chez nous, au Théâtre des Loges dont nous pouvons garder les murs grâce à la patience de nos propriétaires ? Ailleurs, aux beaux jours, s’il fallait hélas attendre si longtemps ? Nous verrons bien, mais quels que soient le moment et l’endroit, dès les confinements divers ou tel couvre-feu levé – ô « guerre étrange » ! – nous serons à notre poste, à celui du bouffon qui, s’il est à sa vraie place, ne se connaît qu’une seule interdiction : geindre !

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